regarder par la fenêtre

Chère lectrice, cher lecteur,

Je vous écris cette lettre dans la douceur toute printanière d’un magnifique jour férié et j’espère qu’il souffle chez vous aussi cet air si tendre & si léger. J’aime le 1er mai, c’est un jour rempli de fortes mémoires, dont le sens s’est un peu envolé avec le temps, mais il reste quand même la joie de ce début de printemps et ça n’est pas rien

Aujourd’hui, je voudrais vous parler de fenêtres. Nous avons tous quelque part dans notre imaginaire ces tableaux représentant une personne qui regarde par la fenêtre. Cette Femme à la fenêtre de Caspar David Friedrich, ou ce Jeune homme à la fenêtre de Gustave Caillebotte, pour ne citer que les plus connus (vous pouvez aller regarder ici ou pour vous rendre compte de l’ampleur du phénomène). J’ai toujours beaucoup aimé ces tableaux qui sont pour nous spectateurs comme une fenêtre ouverte sur le monde intérieur des personnages. Il s’en dégage à la fois une impression à la fois de liberté & d’intimité qui nous transporte dans une sorte de rêverie humaine universelle. Alors que le personnage ne nous regarde pas, on se sent étonnamment proche de lui, je trouve.

Donc voilà, de temps en temps, je repense à ces tableaux. Et puis récemment, en promenant le chien (Popote pour les intimes), je me suis fait la réflexion que je ne voyais plus jamais personne regarder par la fenêtre. Je le sais parce que moi, je l’avoue, j’adore faire le mouvement inverse et jeter de-ci de-là un œil chapardeur par les fenêtres éclairées (c’est pour cela d’ailleurs que j’aime bien promener le chien soit dans la toute fraîcheur matinale, soit à la tombée du jour, quand les intérieurs s’allument & se livrent).

Bref, je peux vous le dire : plus personne ne regarde par la fenêtre, c’est fou non de penser ça – d’ailleurs, ce motif a dû disparaître de la production artistique. Mais c’est tellement dommage de nous priver de cela. Bien sûr dans un mouvement parallèle, beaucoup se sont mis à la méditation, j’en fais partie d’ailleurs. On a (re)découvert cette pratique ancestrale venue d’Orient, nous dit-on. Mais moi je crois que chez nous aussi, les gens méditaient depuis toujours : il leur suffisait de regarder par la fenêtre !

Seulement, aujourd’hui, le smartphone est devenu notre fenêtre sur le monde et ça, ça pose quand même un problème. Car autant la fenêtre est une ouverture, une aspiration, une liberté, autant le smartphone a été pensé et créé non pas comme, on pourrait le croire, pour nous rendre service mais uniquement pour capter notre attention et partant notre cerveau & notre pouvoir d’achat. Il n’est pas du tout innocent, ce petit moment où pour faire une pause, on jette un coup d’œil à notre smartphone, oh, juste un rapide coup d’œil… Seulement, ce “rapide coup d’œil” durant lequel on se connecte, est bien en fait nous déconnecte bien souvent de nous et de notre chemin.

Alors moi j’aimerais lancer un grand mouvement de sauvegarde de la fenêtre ! Que chacun prenne ce temps chaque jour, dix petites minutes suffiraient amplement. Un temps de rien, de vide, un temps d’être. Sans musique, sans podcast, sans autre compagnie que le temps qui défile à son rythme devant nos yeux. Vous verrez qu’il se passe alors quelque chose au plus profond de vous-même : un ralentissement, un apaisement et pour finir une reconnexion à votre intimité. Et ça, c’est vraiment à la portée de tous. Il suffit de réintroduire dans nos vies cet acte si banal & si puissant : passer un peu de temps chaque jour à regarder par la fenêtre. Et vous savez : regarder par la fenêtre sans but, en laissant venir ce qui vient, en fait, c’est regarder à l’intérieur de soi et ça fait un bien fou.

Et si quelque promeneur de chien passe devant votre fenêtre, n’hésitez pas à le saluer d’un sourire ou d’un hochement de tête, ça fera un petit moment d’humanité tout simple & bienvenu.

Vous me direz ce que vous avez vu par votre fenêtre ?

Je vous souhaite une belle semaine, à jeudi prochain !
Laura

Précédent
Précédent

les orques, la ménopause & nous

Suivant
Suivant

spirituelle sans le savoir